L’affaire du pot de chambre

Les archives conservent en leur sein les rapports d’audience de la Cour royale de police de Morlaix entre 1711 et 1793. Au-delà de la fixation du prix des grains et de diverses ordonnances réglementant l’économie, les marchés et la sécurité urbaine, c’est surtout la vie quotidienne de nos ancêtres qui y transparaît. Retour à une époque où le « tout-à-l’égout » passait par la fenêtre !

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Le procureur reçoit journellement des plaintes de particuliers constatant le jet « d’eaux et d’urines par les fenêtres ». Des règlements interdisent pourtant à toute personne de jeter par leurs fenêtres le contenu de leurs pots de chambres entre certaines heures et de crier trois fois « gar’ l’eau » avant de les répandre sur la chaussée.

Le 20 novembre 1778, le sieur Libour, sous-inspecteur des manufactures de Morlaix, passe sous les fenêtres de l’auberge tenue par un nommé Blanchard sise place au Lait, vers 8h du soir. Soudain il reçoit sur le visage l’urine contenu dans un pot de chambre jeté par une fenêtre sans crier « garl’au ». La « victime » vitupère à juste titre à l’endroit du sieur Blanchard qui « la tête à la fenêtre (…) répondit insolemment que ce n’étoit pas de chez lui, et qu’il n’eut qu’à faire ce qu’il voudroit ». 5 jours plus tard, un garde du procureur fait mander le sieur Blanchard chez lui. Le garde l’attend. Le contrevenant ne se présente pas. Il est condamné à une amende de 10 livres au profit de l’hôpital.

Le 7 décembre 1779, vers 8h du soir, le sieur de Reynold, officier du régiment d’infanterie suisse de Diesbach, reçoit sur le corps « une potée de matières fécales et infectées, qui couvrirent son chapeau, sa tête et son habit » et provenant de la maison n°933 de la rue Saint-Melaine qui fait face à l’auberge de notre sieur Blanchard. Son habit et son chapeau sont bien sûr « gâtés ». Les accusés (François Chartier, Marc Le Joliff ou Joly et Claude Jouan) se défendent, reconnaissant qu’ils avaient bien entendu la plainte du sieur Reynold, mais qu’ils n’avaient pas déversé de « potée merdifique », tout juste de l’eau selon la femme Joly. Les absents ont toujours tort et ledit Joly, absent de l’audience, est condamné à payer la somme de 12 livres, soit la valeur de l’habit et du chapeau, sauf les boutons et l’épaulette d’ordonnance qui ont pu être sauvés. Il est condamné derechef à payer 10 livres au profit de l’hôpital.

Rien n’est dit sur la provenance de ce jet. L’accident se produit sous les fenêtres du sieur Blanchard, déjà connu pour ses indélicatesses. À chacun son opinion…

Illustrations : 1) Rue Saint-Melaine, dessin de Louis Le Guennec, vers 1900-1910 ; 2) Rue de Morlaix, vers 1840, lithographie

© Archives municipales de Morlaix