Creac’h-Joly, le collège devenu prison

En ce mois de rentrée scolaire revenons sur l’histoire peu banale d’un lieu d’enseignement devenu lieu d’enfermement : le collège du Creac’h-Joly.

 Creach Nouvelle prison

1597. François Le Bihan, seigneur de Pennelé et de Launay, lègue à la Communauté de Morlaix son lieu noble du Crechjolly, à charge pour ses bourgeois d’y installer un collège. C’est chose faite en 1603. La donation comprend « des logis grandement détériorés », un colombier ruiné, un jardin « en friche », des vergers et des terres attenantes. L’acte de donation spécifie que les régents (les enseignants) doivent être catholiques et indépendants des églises morlaisiennes. Le seigneur de Pennelé se réserve le droit de nommer le principal. A partir du XVIIIe siècle l’établissement périclite du fait de la médiocrité des régents, de la vétusté du bâtiment et de la mauvaise entente entre le seigneur de Pennelé, qui revendique la nomination des régents, et la Communauté de Morlaix qui s’arroge cette prérogative. Un long procès s’ouvre. En 1750 un arrêt du Parlement de Bretagne ordonne que « la nomination dudit premier et principal régents » soit fait à « l’alternative à l’avenir » entre les deux parties. Rien n’y fait. Le collège, « devenu inhabitable », ferme en 1752.

En 1778 le maire, dans un long mémoire, remontre que les « pères de famille forment des vœux pour voir rétablir » le collège, « un objet aussi utile ». Les familles doivent envoyer leurs progénitures vers d’autres villes, quand cela est possible pécuniairement parlant. Morlaix souffre par ailleurs d’un manque de maîtres d’école dignes de ce nom. Le maire prêche pour son rétablissement. On pense un temps à le translater vers le couvent des Dominicains (les Jacobins) qui en assureraient l’enseignement. Le collège est finalement reconstruit.

La première pierre est posée le 18 août 1785 à 10h du matin en présence du maire, des échevins et de M. de Pennelé. Le nouveau bâtiment est achevé en mai 1787. L’année suivante le sieur Geslain de Lorient se propose pour assurer la direction. Le collège comprend 4 salles occupées par 181 élèves âgés de 6 à 15 ans. Ils sont issus de familles pauvres admis gratuitement, de « bons artisans » ou de « paysans aisés de Léon et de Tréguier pensionnaires et demy pensionnaires ». On y enseigne la lecture, l’écriture, l’orthographe, le calcul, le catéchisme, des rudiments de géographie, etc. Le sieur Geslain, en conflit avec la municipalité, démissionne en février 1791. Le collège est définitivement fermé.

À la même époque les prisons, situées au niveau de la rue de l’Auditoire, sont dans un état d’extrême délabrement. Les hommes et les femmes y sont « confondues ». L’auditoire construit sur pilotis menace de s’écrouler dans le Jarlot. Ce dernier est démoli en 1785. En 1792 les prisons sont transférées « provisoirement » dans l’enceinte de la maison commune. Cette prison est si « malsaine » et « si peu sûre » que « plusieurs des détenus s’en sont échappés ». En 1794 il est décidé que « la maison du ci-devant collège sera transformée en prison civile et criminelle ». Le 10 septembre les détenus sont déplacés dans leurs nouvelles geôles. C’est le début d’une nouvelle histoire qui prendra fin en 1934.

 

Creach Vieilles prisons      

 

Illustrations : 1) Nouvelle prison de Morlaix, rue du Collège. Cadastre napoléonien, 1834 ; 2) Vieilles prisons de Morlaix, entre la venelle de la Prison et la rue de l'Auditoire. Plan de la ville levé par l'ingénieur Bénard, 1782

 

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