Napoléon et Morlaix

 

Il y a 200 ans mourait, dans son exil saint-hélénien, l’ancien empereur des Français. Mais au risque de décevoir le lecteur, Napoléon Bonaparte n’a jamais mis les pieds à Morlaix. Ni au temps glorieux du général révolutionnaire ni à celui de l’Empire… Toutefois Morlaix ne fut pas insensible à l’homme fort de l’époque comme en témoigne les archives de la Ville.

Napoleon sainthelene

Au moment du coup d’état bonapartiste du 18 brumaire de l’an VIII (9 novembre 1799), les yeux de Morlaix sont avant tout dirigés vers Saint-Brieuc assailli par les Chouans dans la nuit du 25 au 26 octobre 1799. La crainte des édiles est qu’un événement similaire secoue Morlaix.

Par la suite la vie morlaisienne est rythmée par les tumultes de l’époque. Le dimanche 18 fructidor an X [5 septembre 1802] un Te Deum est chanté à l’occasion du sénatus-consul qui proclame Napoléon Bonaparte, premier Consul à vie. Dans la séance du 4 février 1806 les autorités jurent « obéissance aux Constitutions de l’Empire et fidélité à l’empereur ». Des fêtes publiques sont régulièrement organisées pour célébrer les moments forts de la geste impériale.

En 1810 la Ville souhaite acquérir un buste en marbre de Napoléon Ier pour 1 200 F auprès du Musée des arts de Carrare. L’affaire semble poser problème car en 1824 le nouveau propriétaire dudit musée écrit au maire de Morlaix pour lui réclamer le payement de ce buste. Rien ne prouve non plus qu’il fut bien installé dans une des salles de l’Hôtel de Ville.

1812 la Grande armée sombre dans le désert glacé russe. C’est le début de la fin de l’épopée napoléonienne. Mais les responsables morlaisiens ne perdent pas espoir. En janvier 1813 ils proposent de fournir à l’empereur « quatre cavaliers montés et équipés aux frais de la ville » pour réparer entièrement les pertes subies en Russie. Ils sont les témoins « de l’amour et du dévouement [des] habitants » de Morlaix. Cet enthousiasme patriotique se heurte aux rigueurs budgétaires. En effet le maire ignorait que les fonds municipaux ne pouvaient être affectés à ce type de dépense… Qu’à cela ne tienne ! La Ville fera appel au zèle des habitants par le moyen d’une cotisation directe.

À la fin de l’année 1813 les conquêtes françaises tombent comme des dominos. L’intégrité territoriale est menacée. Malgré cela M. Beaumont, maire de Morlaix, réaffirme son « dévouement inaltérable » à la personne de l’empereur. S’ensuit une longue adresse « au grand monarque », à l’impératrice et au roi de Rome. Le soutien semble indéfectible… Tout s’effondre en avril 1814 avec l’abdication de Napoléon, l’exil à l’île d’Elbe et le retour des Bourbons.

Les régimes se succèdent et les serments de fidélité avec. Le 18 septembre 1814 les fonctionnaires publics sont tenus de se réunir à 10h du matin dans la grande salle de l’Hôtel de Ville pour prêter serment de fidélité au roi. Le 15 mars 1815 l’administration municipale se réunit pour apporter son soutien à Louis XVIII menacé par le retour de l’empereur. Moins de 15 jours plus tard le même conseil se réjouit du retour de « cet auguste chef, entouré de tant de souvenir et de gloire » : Il renouvelle ainsi leur dévouement à l’empereur fraîchement revenu. Le maire apporte toutefois une explication à ses revirements de fidélité : « la soumission aux lois, l’obéissance aux gouvernements établis, sont les premiers devoirs de tous les citoyens, ils sont surtout ceux des administrateurs ». Dans le respect de ce principe le conseil réaffirme son attachement à Louis XVIII le 26 juillet 1815, « le meilleur des rois » que les événements ont obligé à quitter la capitale. « La nouvelle de [son] retour leur a causé la joie la plus sensible »…

Le temps passe, le souvenir napoléonien demeure. En 1840 le roi Louis-Philippe décide de rapatrier le corps de l’empereur. Après plusieurs semaines de voyage, le cercueil de Napoléon arrive à Paris pour être déposé sous le dôme des Invalides en décembre 1840. Il faut un tombeau à la hauteur des gloires passées.

Paul-Émile de La Fruglaye (1766 - 1849), maire de Ploujean entre 1817 et 1830, propose d’utiliser du porphyre vert issu de la rade de Morlaix pour réaliser le sarcophage. En 1843 M. Delaunay, architecte à Morlaix, est chargé par le ministère de l’intérieur de rechercher les blocs idoines pour la réalisation du sarcophage puis de son socle. En 1845 deux blocs sont extraits « des carrières de Ploenoch (sic) près Morlaix » et « gisent sur la grève ». Mais les conditions de travail des ouvriers sont difficiles du fait des marées qui « recouvrent deux fois par jour » les blocs, de l’éloignement des habitations qui nécessite l’installation de baraquements et d’une forge. En septembre 1846 M. Delaunay déclare ne pas avoir trouvé de « blocs des dimensions et qualité demandées ». Les ouvriers sont congédiés, les recherches abandonnées. Ironie de l’histoire on lui préférera un quartzite rouge importé de Russie. Quant aux blocs extraits ils serviront au tombeau du comte de La Fruglaye dans sa chapelle du château de Keranroux.

Vue du château de Keranroux et de sa chapelle vers 1890 1900. Arch. mun. de Morlaix. light

 

Illustrations :

1) Napoléon à Sainte-Hélène, RMN-Grand Palais (musée des Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau)

2) Vue du château de Keranroux, vers 1880-1900. On distingue à droite la chapelle privative. Archives municipales de Morlaix, fonds Henri Waquet, 14 Fi

 

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