1733-1737 : Le projet de port militaire au Dourduff
Les archives de la ville de Morlaix conservent sous la cote DD3 un ensemble de documents dévoilant un projet d’aménagement portuaire qui aurait pu modifier en profondeur le visage de la baie de Morlaix.
1733 : L’ambitieux projet de M. Boisbilly
Le 29 août 1733, M. Boisbilly, subdélégué de l’intendant à Morlaix, propose de créer de toute pièce un port à un endroit favorable de la baie pour faciliter l’intervention de la flotte royale dans la Manche. Il jette son dévolu sur la confluence de la rivière du Dourduff avec la rivière de Morlaix car, selon lui, c’est le site qui demande le moins d’aménagement parce que "le canal est tout formé par la nature, qu’il est actuellement plus profond que le bassin du Havre (…)". Le site offre par ailleurs un asile sûr aux navires grâce aux canons du château du Taureau, un bon appui pour sillonner le "Channel" et chasser l’ennemi et une bonne protection pour le commerce morlaisien.
Le projet est d’envergure. M. de Boisbilly se propose de creuser de 4 à 5 pieds la rivière (environ 1.50 m), la construction d’écluses, de quais, de cales, d’ateliers, de formes pour le radoub, de batteries, etc. Le tout pouvant abriter de 45 à 50 vaisseaux et frégates du roi et ne coûterait que 1 800 000 livres (environ 20 000 000 €) !
1736-1737 : Le projet relancé
Hélas en 1733 débute la guerre de succession de Pologne qui suspend le projet… Ne s’avouant pas vaincu M. de Boisbilly relance l’affaire en 1736 avec le soutien de l’ingénieur Dumains. Entre mai et juin 1737 l’ingénieur Dumains épaulé du comte de Rocquefeuille, chef d’escadre des armées navale du roi et accompagné de pilotes, de dessinateurs, d’officiers de la marine, etc. se rendent sur place. L’enthousiasme est au rendez-vous : "Il n’y a point qui mérite plus d’attention que celui de la rivière de Dourdu (…)". Le projet permettrait de "faire du matin au soir une descente" sur les côtes anglaises et ainsi ruiner leur commerce tout en protégeant efficacement celui des français. Bien sûr "les travaux qu’on à dessin de faire à la Hougue ou à Cherbourg ne seront pas si utiles que ceux que l’on ferois à Morlaix…", faisant du "port de Morlaix un des plus commodes du royaume".
Les plans et devis estimatifs qui suivent laissent entrevoir un vaste port s’étendant sur un kilomètre, avec un bassin de 200 toises de long et 65 de large capable de recevoir 15 gros vaisseaux de lignes et 30 frégates et pour une dépense de 1 797 906 livres. Malgré les appuis que semblent mobiliser ce projet, les années passent et la rivière du Dourduff conserve sa tranquillité…
La proximité de Brest a sans doute eu raison du projet, de même que l’intérêt du pouvoir central pour Cherbourg mieux positionné que Morlaix entre Brest et Le Havre et plus proche des côtes anglaises et de son grand arsenal Portsmouth. Les négociants de la ville ont freiné les ardeurs des ingénieurs par crainte d’une répercussion négative sur leur commerce. Les Etats de Bretagne, sollicités pour participer au financement, ont refusé de fournir l’argent nécessaire. Pour autant le port de Morlaix entame au XVIIIe siècle un long déclin commercial que le projet de Boisbilly aurait peut-être pu enrayer.
1 toise = 1.949 mètre
© Archives municipales de Morlaix