6 janvier 1731. L’incendie de l’hôpital
En ce début d’année 1731, l’hôpital se dresse sur les bords du Jarlot, au cœur de la cité. Construit à partir de 1607, il accueillait vers 1659 près de 120 pauvres. Il semble constitué de masures disparates et insalubres. Une simple bougie va résoudre ce problème.
Dans la nuit du 6 janvier 1731 une bougie allumée tombe dans l’interstice d’un plancher et l’hôpital général fut « incendié et consumé de fond en comble », ainsi que « quinze magazins (sic) et maisons voisines » en quelques jours. Les dégâts sont considérables. Le maire Jean François Le Minihy du Rumain rédige un procès-verbal des pertes subies par les propriétaires et locataires voisins de l’ancien hôpital. Le montant avoisine les 68 000 livres. 34 plaignants réclament des sommes allant de 30 à plus de 12 000 livres. On apprend aussi à la lecture des archives que 15 habitants « furent écrasée sous les ruines en travaillant à démolir des maisons pour empêcher la communication du feu ». Ainsi Pierre Vegais, sieur du Petit Clos, âgé de 69 ans est mort écrasé sous les ruines d’un pignon dans la rue au Fil le 7 janvier. En tout les autorités estiment les pertes à près de 1 500 000 livres. Sans oublier les pauvres qui sont logés dans des maisons particulières, notamment une maison voisine de l’hôpital ruiné, louée 500 livres par an. Des quêtes sont organisées pour subvenir à leurs besoins.
La reconstruction ne doit donc pas (trop) tarder. La ville en a grand besoin. Il faut un asile aux pauvres et pour « renfermer les mendiants et les vagabonds » – asile « qui se trouve d’ailleurs surchargé pendant la paix de plusieurs matelots malades et pendant la guerre d’une infinité de blessés ». Hélas, la ville n’en a pas les moyens car elle est « épuisée par des dépenses indispensables pour le netoyement de son port ». La communauté de Morlaix supplie donc « sa majesté de lui accorder le secours dont elle a besoin pour la construction d’un nouvel hôpital ». Appel entendu car quelques semaines plus tard l’assemblée des États de Bretagne octroie une somme de 30 000 livres auxquels s’ajoutent 36 000 livres des bienfaits du roi. Un montant vite dépassé car bientôt la ville réclame 60 000 livres de plus.
Outre ces soucis pécuniaires il faut trouver un nouvel emplacement. En décembre 1731 on propose de rebâtir un hôpital de pauvres « plus étendu et mieux sittué » sur le pré du spernen (épine en breton). Emplacement vendu avec « le colombier y contenu faisant partie des dépendances du manoir de Bélizal (...) » par messire Sébastien de Gouzillon, seigneur de Kermeur, à la ville de Morlaix pour une somme de 3 300 livres. Détail intéressant, il est stipulé dans l’acte de vente que « l’écusson des armes dudit seigneur de Kermeur et de la deffunte dame son épouze sera mis au-dessous de celle du roy dans la principalle vitre de la chapelle dudit hopital aux frais de laditte communauté ».
Fin 1733 les autorités de la ville souhaitent acquérir le « petit château » en faveur de l’hôpital. Un terrain avantageux pour les issues du nouvel hôpital et aussi pour les matériaux de construction que fournirait la démolition dudit château. Dans le même temps le maire propose de construire une place à l’emplacement de l’ancien hôpital « pour y tenir le marché au fils (sic) et au bois ». Ainsi fut créée la place qui portera le nom de Viarmes, intendant de Bretagne entre 1735 et 1753. Les incendies urbains sont souvent l’occasion de repenser et d’aérer un tissu urbain hérité du Moyen-Âge.
En juin 1733 M. Demain, ingénieur du roi, dresse le plan général de l’hôpital. Mais des problèmes de financement retardent le chantier. En 1749 les pauvres sont mal logés dans ce « commencement d’hôpital ». Il manque une cuisine, une chapelle, des logements… Il faudra encore un peu de temps, et surtout un peu d’argent, pour voir le nouvel hôpital se dresser sur les bords du Queffleuth.
© Archives municipales de Morlaix
Illustrations :
1. Hospice de Morlaix sur les bords du Queffleuth, vers 1880-1900. À l’arrière-plan, vue générale de l’hospice civil construit en partie au milieu du XVIIIe siècle et agrandi au milieu du XIXe siècle. Au premier plan, on distingue parmi la végétation le moulin et la ferme du Spernen, aujourd’hui disparus. Archives municipales de Morlaix, fonds Henri Waquet, 11 Fi.
2. Hospice de Morlaix sur les bords du Queffleuth, vers 1880-1900. L’ancien asile d’aliénés construit au milieu du XIXe siècle, démoli à ce jour. Archives municipales de Morlaix, fonds Henri Waquet, 11 Fi.