2 octobre 1921. Inauguration du monument aux morts « républicain » de Ploujean
Au lendemain immédiat de la Première Guerre mondiale les conseils municipaux éprouvent le besoin de se souvenir des soldats tués. Des monuments sont alors érigés pour honorer les morts. Celui de Ploujean fête ce mois-ci ses 100 ans.
Le 15 août 1920 Paul Cloarec, maire, propose un projet de monument « à la gloire des morts » consistant en un bas-relief apposé sur l’un des murs de l’ossuaire, projet qui serait le seul validé par l’architecte des monuments historiques.
En novembre le projet se précise. Le conseil municipal créé une commission extra-municipale chargée d’organiser une souscription publique et de recueillir les desiderata de tous. Le conseil souhaite que « le monument [soit] bien visible de la place ». Réalisé en pierre de Kersanton ce premier projet de bas-relief portera 150 noms en lettres dorées pour un coût de 8 500 F. Mais il achoppe sur deux écueils : la municipalité ne dispose que de 6 000 F et la population souhaite un « monument à quatre faces ». Ces vents contraires ne découragent pas le maire qui persiste dans son projet. Pour lui un monument à quatre faces priverait la place publique de « l’espace suffisant aux besoins normaux de la commune ». Le maire trouve les mots justes car le projet de bas-relief est adopté par 12 voix contre 4 et 2 abstentions.
Particularité ploujeannaise : « pour répondre aux sentiments divers de la population » le conseil prévoit également l’établissement d’une croix au cimetière qui serait en partie financée par la souscription publique. Ploujean aura donc deux monuments commémoratifs, témoins des fractures de la population ploujeannaise depuis la loi de Séparation de l’Église et de l’État : un laïc et un religieux.
En janvier 1921 la raison semble l’emporter. Le projet de bas-relief est abandonné car trop coûteux. Le conseil penche pour un monument pyramidal « dans l’ancien cimetière en le reculant de la distance juste nécessaire pour ne pas soulever l’opposition du service des monuments historiques ». Point de symbolisme religieux dans cet emplacement mais la volonté de l’installer dans un lieu central du bourg et ne gênant pas l’activité de la commune. Il est entouré d’ifs, l’arbre funéraire des anciens celtes. Ce monument « républicain et laïc » est dessiné par Charles Penther. M. Le Lourec, marbrier, est choisi pour le construire pour 5 275 F. et 0.95 F. la lettre. Le financement est en partie assuré par une souscription qui permet de récolter près de 5 000 F. auprès de 643 ploujeannais. Le maréchal Foch donne 500 F., le maire 200 F., Mme Corre, habitante du Troudousten, offre 0.25 F. Seules deux personnes refusent de participer à la construction du monument.
L’inauguration est prévue le 2 octobre. La journée s’ouvre par une messe de 9h30 à 11h suivie de l’inauguration à proprement dite du monument laïc mais aussi du monument religieux. Un banquet à l’école des garçons clôt la journée. Le maréchal Foch, M. le général Weygan, M. le général Lebon, M. le sous-préfet, M. le curé, MM. les présidents des sociétés d’anciens combattants, M. le conseiller général du canton sont invités. Pour ne pas froisser les susceptibilités politiques et surtout pour empêcher « l’intrusion de la politique dans les discours » il est décidé qu’un député de chacune des trois listes de 1919 sera invité… Les parlementaires sont choisis par tirage au sort ! Le hasard porte les noms de M. Le Bail de la liste républicaine, M. Inizan de la liste de droite, M. Goude de la liste socialiste et M. le sénateur Le Hars. Pour que cette journée se déroule sous les meilleurs auspices les élus décident que « les chiffres [du tirage au sort] ne seront pas publiés ».
Au final le monument coûtera 6 029.45 F.
Illustrations : 1) premier projet de monument aux morts de Ploujean ; 2) détail du premier projet de monument aux morts de Ploujean ; 3) second projet de monument aux morts de Ploujean
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