Le pont tournant du bassin de Morlaix

Début du XIXe siècle. Le viaduc n’est pas encore à l’état d’idée. Le bassin à flot est ouvert jusqu’à l’emplacement de l’actuel hôtel de ville. Les écluses n’existent pas encore. Pour aller de la rampe Saint-Nicolas à la rue de la Villeneuve il faut donc contourner le port. C’est contraignant. Surtout pour le commerce.

Le pont tournant. Vers 1910. Arch. mun. Morlaix.1

En janvier 1814 M. Andrieux, négociant, se propose de répondre aux souhaits des habitants de la ville et plus particulièrement le commerce qui « désirent (…) une communication entre les deux quais ». Il souhaite, avec un collègue négociant, réaliser « un radeau à plusieurs pièces, monté sur pieds assez hauts pour que la rivière passe dessous à marée basse. Des gardiens seraient établis pour ouvrir et fermer à marée haute et pour que la circulation des bateaux et des navires dans le port ne fut point gênée ». Il souhaite l’établissement d’une « modique taxe payable par les passants » pour rembourser cet investissement privé et aussi une concession « assez longue de ce passage ». Ce projet ne soulève pas l’enthousiasme de Charles Beaumont, alors maire de la cité…

Le pont tournant. Projet 1832. Arch. mun. Morlaix

Fin 1832. Un membre du conseil propose de « construire un pont au bas de la Villeneuve ». L’idée est relancée. Mais en attendant il faut bien passer d’un quai à un autre. En 1841 un « batelet » à marée haute et un « pont volant à la planche mobile posée sur chevalet » à marée basse sont mis en place pour les piétons seulement et placés sous la régie de l’administration des contributions indirectes. Avant cette date un passage, sans doute un bac, existait entre les deux rives. Yves Mathurin Joncour en était le passeur. Le nouveau passage est affermé à un particulier. Le matériel appartient au passeur qui s’engage à l’entretenir. Philippe Guyomard remporte l’adjudication au détriment de M. Joncour pour les années 1841 à 1846 pour un prix annuel de 251 F. Le passage coûte 2,50 centimes. Le bail de M. Guyomard est renouvelé pour les années 1847 à 1852 et pour 380 F.

Au milieu des années 1850 l’établissement d’écluses rend caduque ce passage rudimentaire. L’augmentation du trafic dans le port et sur les quais également. La Chambre de commerce propose donc la construction d’un pont brisé en face de la Villeneuve et l’établissement d’un péage. En 1854 le conseil municipal débat de l’ouverture nécessaire de ce pont pour permettre l’accès des navires en haut du bassin à flot. Le choix se porte sur un pont ordinaire à travées dont l’une serait mobile. Cette partie mobile dite « arche marinière » longue de 9 mètres serait placée sur l’un des côtés du pont pour faciliter la navigation des navires.

En 1855 le projet se précise : « le pont sera formé de deux travées ayant chacune 12 mètres d’ouverture et séparées par une pile centrale en maçonnerie ayant la forme d’un cylindre vertical (…). Les deux travées seront recouvertes par un pont tournant composé de deux volées » qui s’ouvriront simultanément et complètement. « Les poutres du pont tournant seront en tôle de fer et leur tablier en bois de chêne ». Les travaux sont lancés dans la foulée.

Le pont tournant. Vers 1910. Arch. mun. Morlaix.2           Le pont tournant. Vers 1910. Arch. mun. Morlaix.5

Le pont tournant est ouvert au public à partir du 1er janvier 1858 moyennant quelques centimes. Sa gestion est assurée par M. Vallée, directeur de la Chambre de commerce, puis par une société concessionnaire formée par les membres de la Chambre de commerce et pour une durée de 36 ans. À noter qu’Édouard Corbière (1793 - 1875) puis Edmond Puyo (1828 – 1916) en furent les directeurs.

1891, par volonté des héritiers de la société concessionnaire, la gestion du pont passe dans le giron de l’État. Le passage devient gratuit.

En 1899 la mairie jugeant que le pont « a été construit dans des conditions de résistance peu satisfaisante », que sa gratuité soumet le pont à des passages de « très lourdes charges » et que l’État est peu enclin à effectuer les réparations nécessaires, surtout depuis que la « couverture de la partie amont du bassin à flot a réduit à 370 mètres la longueur du détour à faire », décide de réserver le passage aux seuls piétons. Déjà en 1895 le service des Ponts-et-Chaussées avait déconseillé le passage de la foule suivant la procession célébrant les 600 ans de Notre-Dame-du-Mur.

En 1961 le comblement du bassin à flot jusqu’à sa limite actuelle pour y aménager un parc de stationnement met fin à 100 ans d’histoire.

Le pont tournant. Vers 1910. Arch. mun. Morlaix.6

 

Illustrations : Le pont tournant vers 1910, à l'exception de la deuxième image : Projet de pont, 1832

 

© Archives municipales de Morlaix