Aux origines de la rue d’Aiguillon.
Il y a trois cent ans le Jarlot coule librement parmi le tissu urbain de la cité commerçante. De simples ponts l’enjambent. Édifices fragiles régulièrement malmenés par les inondations récurrentes, comme celles d’octobre 1725 et qui perturbent fortement la circulation dans la ville. Peut-être lassés de ce travail de reconstruction perpétuelle, les édiles décident d’agir.
Ville engoncée dans sa géographie, Morlaix n’a d’autre choix que de s’étendre sur ses rivières. Deux événements vont aboutir à la création de la rue d’Aiguillon. Entre les années 1720 et 1740 la place dite de l’Éperon située devant l’hôtel de ville est agrandie et réaménagée. En 1731 l’hôtel-Dieu situé à l’emplacement de l’actuelle place de Viarmes brûle, libérant un espace qui sera aménagé en place publique.
Au début de l’année 1762 il est décidé de créer une « jonction de la place de Viarmes avec celle de l’hôtel de ville ». Le 23 mars la communauté souhaite que ce nouvel espace soit dédié à « monseigneur le duc d’Aiguillon », commandant en chef en Bretagne. Le 15 avril l’adjudication à la bougie est remportée par Pierre Tournier, entrepreneur à Morlaix.
En juillet la communauté « auroit sans doute été bien flatée que [le duc d’Aiguillon] eut bien voulu mettre la première pierre à ces ouvrages (…) Mais la chose n’étant pas possible ». En effet des retards dans l’exécution des travaux repoussent la cérémonie. Il faudra attendre le 22 décembre. Ce jour-là, un mercredi, le maire accompagné des échevins et jurats de la ville se sont rassemblés « en l’hôtel de ville en habits de cérémonie » et « se sont transportés précédés des héraults de ville revêtus de leurs casques d’ordonnance et portant la halebarde haute, jusqu’à l’emplacement où l’on construit (…) une voûte sur le ruisseau Jarlot (…) ». Ils y retrouvent un détachement de la milice bourgeoise tambours « battants aux champs ». Le maire saisi un marteau présenté par Pierre Tournier et « frappe en forme de croix quatre coups sur la première pierre, dans laquelle on a mis en creux une lame de cuivre sur laquelle sont gravés les armes de M. le duc d’Aiguillon » ainsi qu’une longue inscription à la gloire du bienfaiteur. Cette lame en cuivre est recouverte d’une lame en plomb et d’une pierre de taille « rejointe à celle du dessous avec chaux et ciment ». La cérémonie s’achève par l’acclamation des citoyens.
Le lit de la rivière est creusé. Le remblai est transporté « dans le canal le long de l’hostel de ville » et sur les palues Marant près de la manufacture. Des ouvrages de maçonnerie sont réalisés pour élever la voûte qui commence à l’issue de la place de Viarmes jusqu’au pont aux Choux et la voûte de la place devant l’hôtel de ville. Les ouvrages sont achevés le 2 avril 1767. Quelques mois plus tard une grille est placée à l’entrée de la voûte du pont d’Aiguillon pour arrêter « ceux qui seroient entrainés par les eaux », notamment les femmes travaillant aux lavoirs contigus.
Illustrations : 1) La rue d'Aiguillon, vers 1910 ; 2) La voûte de la rue d'Aiguillon, vers 1890
© Archives municipales de Morlaix