Une école dans l’ossuaire de Ploujean ?
Un ossuaire, ou reliquaire, est un récipient ou une construction destiné à conserver les ossements des tombes désaffectées du cimetière contigu. Celui de Ploujean, datant probablement du XVIe siècle, est une construction isolée flanquée contre le mur de clôture de l’enclos paroissial. Une partie était réservée aux ossements. L’autre servait de chapelle pour les cérémonies funèbres et dédiée à Saint-Roch.
La Révolution chamboule les habitudes. L’ossuaire passe dans le giron de la municipalité, qui peut alors en « disposer pour son utilité ». Dans les années 1830 la commune ne possède pas de mairie digne de ce nom. Par ailleurs les chefs-lieux des communes doivent se doter d’une école primaire. Une opportunité saisie par Julien Alexandre, maire, pour faire disparaître « le spectacle aussi hideux que malsain pour les habitations voisines de cet amas d’ossements humains déposé dans le reliquaire ». En août 1831 les élus estiment donc « que le reliquaire est d’une grandeur suffisante pour y établir à la fois une salle pour l’école, une autre salle pour la mairie et un logement pour l’instituteur ou le secrétaire ». Vue de notre époque cette idée peut surprendre mais elle est loin d’être saugrenue. Pleyben ou encore Sizun font aussi ce choix de « recycler » ces ossuaires d’un autre temps en école. Des sommes d’argent sont votées pour, avec les secours de l’Etat, assurer les réparations nécessaires.
Mais en mars 1832 un doute s’installe : « Y-a-t-il dans la commune une maison que l’on pourrait acheter pour faire une école et combien coûterait cette maison ? (…) Combien coûterait-il pour en bâtir une ? (…) Combien coûterait la location d’une maison pour service d’école ? ». Beaucoup de questionnements pour nos élus qui semblent, déjà, douter de la faisabilité d’une école dans l’ossuaire. Les esprits des défunts qui imprègnent encore les murs ont-ils dissuadé leurs ardeurs ? ou peut-être tout simplement un changement de maire, Gabriel Alexandre succédant à Julien Alexandre.
Le 11 août 1833, « considérant que le local n’étant pas d’une grandeur suffisante pour cette double destination (salle d’école et mairie) et pour un logement convenable pour l’instituteur dont le nombre des élèves pourrait s’élever à 80 à 100. Attendu d’ailleurs que cet édifice étant situé contre le cimetière ne serait pas convenable par respect dû aux morts », le projet est abandonné. L’ossuaire ne résonnera pas des récitations appliquées, des leçons de grammaires savamment apprises ou des cours de géographie studieux. L’édifice retrouve sa quiétude. Il est classé parmi les monuments historiques le 30 janvier 1951.
Et l’école me direz-vous ? La municipalité continuera ses recherches et jettera finalement son dévolu en 1841 sur un terrain au bourg légué par le comte de La Fruglaye.
Illustration : Place de l'église de Ploujean, vers 1905
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