Kernéguès, avant le lycée. Seconde partie
En juillet 1883 le domaine de Kernéguès, ancien manoir noble, est acheté par la ville de Morlaix qui manquait de places pour satisfaire ses besoins. Pendant 10 ans le site connaîtra plusieurs projets.
L’ancien manoir fait peine à voir. La toiture de la maison principale est en mauvais état. Les toitures des écuries voisines sont effondrées. La métairie composée d’une maison principale, d’une étable, d’une crèche à porcs, d’une écurie et d’une grange et de près de 14 hectares de terres sont loués à un fermier en 1885. Pour rentabiliser l’acquisition le conseil décide de vendre certains arbres du domaine. 41 pieds d’arbres, situés le long du chemin de Toul-ar-Parc, sont vendus. Quelques mois plus près de 1000 arbres d’essences diverses sont estimés pour être vendus par lot.
En 1885 le manoir tombe en ruine, les toitures font eau de toutes parts. La fin est proche.
En juillet 1885, les frondaisons du parc de Kernéguès abritent les soldats le 22e bataillon de chasseur de passage à Morlaix. Le manoir accueille le mess et les bureaux du bataillon. Un élu pense que la ville pourrait profiter de cette venue pour remettre en état le parc ayant entendu « de bonne source » que le bataillon compte à son effectif un certain nombre de jardiniers. Dans la même séance, M. Préauchat demande que le parc soit ouvert au public les dimanches et les jeudis et « cesse d’être l’objet de cartes de faveur pour quelques personnes seulement, ainsi que cela se pratique aujourd’hui ». Déjà peu enclin à cette acquisition, M. Préauchant ne semble pas bénéficier de ce passe-droit… M. le maire rétorque sur la difficulté de surveillance d’un parc aussi vaste et est disposé à remettre une carte pour visiter le parc à qui lui demande.
En 1886, on cherche une utilité à ce vaste domaine. On parle de l’aliéner. M. Parize, élu, a peut-être une idée pour garder le parc dans l’escarcelle municipale : la création d’un champ d’étude et d’expériences agricoles « offrant aux cultivateurs des leçons toutes préparées, des modèles à imiter pour obtenir des rendements rémunérateurs ». De plus l’engrais pour ces terres est tout trouvé : les vidanges des fosses d’aisance. On réglerait ainsi un problème qui « ennuie » la municipalité et son conseil d’hygiène…
1887. Les cultivateurs n’ont pas investi les lieux. On pense plutôt à créer une ou plusieurs rues à travers le domaine dans le but de lotir l’ensemble et de vendre les lots ainsi obtenus. Visiblement on ne sait que faire de ces 20 hectares de terrain…
En novembre 1886 la municipalité cède le collège communal du Poan-Ben pour y établir les tribunaux civil et de commerce. Il faut trouver un emplacement pour bâtir un nouveau collège. En 1889, l’inspecteur d’académie estime que la propriété de Kernéguès convient à tous points de vue à l’établissement d’un nouveau collège. L’errance du lieu prend fin : l’ancien manoir noble deviendra collège.
En 1890 les plans de M. Trélat, architecte des bâtiments civils, sont adoptés. En mai 1891 les entrepreneurs sont désignés. Le 28 octobre 1891 la première pierre est posée. Le collège est inauguré le 22 mai 1893, jour de la Pentecôte, au terme d’une journée de festivités. On loue son aspect moderne, notamment au point de vue de l’hygiène par ces vastes dortoirs, son air pur et sain. Un seul regret : son éloignement. A midi un banquet est dressé à l’hôtel de ville. Au menu : bisque d’écrevisse, tête de veau en tortue, Langouste en Belle-Vue, Solférino au Kirsch… On félicite la ville de Morlaix pour les « grands sacrifices qu’elle sait faire pour la cause de l’instruction, c’est-à-dire la cause de la liberté, de la République ».
Illustration : 1) Projet de façade du collège de Kernéguès, vers 1890 ; 2) Premier projet de construction d'un collège à Kernéguès, vers 1890
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