Incunables de la bibliothèque Les Amours Jaunes
Les 150 ans de la bibliothèque de Morlaix sont l’occasion de plonger dans des fonds méconnus du public. Ce mois-ci mettons en lumière les ouvrages les plus anciens conservés aux Amours-Jaunes : les incunables.
Incunable : « qui date des premiers temps de l’imprimerie ». Cette définition permet d’apprécier l’ancienneté de ces ouvrages. Mais de quoi parle-t-on ? Si l’imprimerie est une invention chinoise elle doit à un orfèvre germanique, Johannes Gutenberg, son perfectionnement décisif dans les années 1450 : les caractères métalliques mobiles. Le livre manuscrit recopié dans des ateliers monastiques ou laïcs réservés à une élite vit ses dernières années, car l’imprimerie permet une diffusion plus importante des livres et répond aux besoins grandissants des universités ou des milieux lettrés. Mais pendant environ 50 ans l’imprimerie balbutiante produit une forme hybride de livres : les incunables signifiant « berceau » ou « commencement » en latin.
La bibliothèque des Amours-Jaunes en conserve 5 provenant du don en 1877 d’Arsène Bienvenüe, avocat à Saint-Brieuc et oncle de Fulgence, père du métro parisien. Attaché à la ville par des liens d’amitié, le juriste lègue l’ensemble de sa bibliothèque à Morlaix (2 500 ouvrages).
Autant le dire d’emblée : ces incunables n’ont rien de spectaculaires. Pas d’enluminures éclatantes ou de lettrines sophistiquées. Un exemplaire des Coutumes de Bretagne imprimé en français en 1485 témoigne de l’aridité d’un texte juridique sans fioritures. Les quatre autres ouvrages sont imprimés entre 1480 et 1494 en latin. Il s’agit d’ouvrages religieux, hormis celui de Barthélemy l’Anglais, franciscain du XIIIe siècle, auteur de l’une des premières encyclopédies en 1247 : De Proprietatibus rerum (Livre des propriétés des choses), dont la bibliothèque conserve une édition imprimée en 1482 à Lyon.
Ces livres sont précieux car ils témoignent du passage d’un monde vers un autre. Ils conservent à la fois des caractéristiques du livre manuscrit (les caractères d’imprimerie rappellent l’écriture manuscrite, des lettrines décorées à la main…) tout en intégrant les innovations récentes apportées par l’imprimerie (les caractères sont réguliers, la justification du texte est plus précise…). La page de titre est absente. Pour connaitre les noms de l’auteur, de l’imprimeur et la date d’impression il faut se rapporter à un court paragraphe en fin d’ouvrage : le colophon, une persistance du livre manuscrit. Au cours du XVIe siècle le livre va progressivement prendre la forme que nous lui connaissons aujourd’hui.
Illustration : Liber qui manipulus curatorum... de Guido de Monterocherio, Paris, 1480, Bibliothèque Les Amours-Jaunes
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