La présence du loup dans la région de Morlaix
Le loup, animal discret dans la nature, l’est tout autant dans les archives. C’est par hasard que l’on y retrouve sa trace.
En avril 1777, le procureur du roi à Morlaix est informé qu’un « loup enragé » a mordu plusieurs animaux domestiques dans la région de Plounéour-Menez et de Commana. La crainte est de retrouver sur les marchés de Morlaix de la viande ou du beurre contaminés aux « effets les plus funestes et les plus malheureux ».
Favorisé par un paysage de lande, la population de canis lupus est estimée à 200 à 300 individus dans le Finistère vers 1800. Les périodes de trouble politique ou de guerre sont propices à sa prolifération, car elles provoquent un relâchement de la chasse et du piégeage. En janvier 1794 le préfet du Finistère alerte sur ces « animaux malfaisans dont le nombre s’accroît d’une manière alarmante pour les cultivateurs ». Les battues organisées n’ont pas donné les résultats escomptés. Le préfet, informé par un officier de santé de Brest, croit connaître la bonne méthode pour s’en débarrasser : « jeter dans les lieux les plus fréquentés par les loups, des morceaux de viande corrompue dans lesquels ont aurait inséré deux gros de noix vomique ». Autrement dit du poison. Et du plus efficace, car le loup « péri en moins d’une demi-heure ». Le préfet enjoint les maires à faire usage de ce moyen le 3 février suivant. Il se fait même « cuisinier » en donnant la méthode pour préparer au mieux ces appâts.
Mais les vieilles méthodes ont la vie dure, peut-être aidées par les primes accordées aux « destructeurs de loups ». En août 1800 le maire de Ploujean est informé par son homologue de Saint-Martin-des-Champs que deux louveteaux et une louve furent tués dans le bois de Pennelé par les chasseurs Olivette Scouarnec, Julien Scouarnec, dit « Labranche » et Antoine Fable au surnom cruel de « Sans-Quartier ».
En 1860 il ne reste plus qu’une centaine de loups dans le Finistère. Des dizaines de loups sont occis par an. Mais par qui et où fut tué le dernier loup du département ? La question fait débat chez les spécialistes : À Milizac en 1891 comme en témoigne la dernière prime accordée dans le Finistère ? À Clohars-Carnoët en 1892 ? À Pencran en 1895 ? Un loup est observé en 1906 du côté de Landeleau. Sa présence récente dans le centre Bretagne fait dire que cette histoire n’est pas totalement achevée. Plus que cette « guerre » déclarée par l’homme, selon les termes de l’Histoire naturelle de Buffon, c’est surtout l’asséchement des zones humides, les débuts du chemin de fer et l’industrialisation qui lui ont été fatal.
Illustration : Histoire naturelle de Buffon, 1799. Bibliothèque patrimoniale Les Amours Jaunes
© Archives municipales de Morlaix