Se baigner dans les rivières
Les beaux jours approchent. Plonger dans l’eau bleue et limpide de nos plages ou dans l’eau claire des piscines, plaisir rafraîchissant, nous est devenu facile et familier. Mais il y a encore peu de temps, les rivières constituaient les lieux de bains exclusifs, notamment pour les classes populaires.
En juin 1842, certains habitants souhaitent se baigner « non à l’étroit dans une baignoire et enfermés dans un cabinet, mais dans une eau profonde (…) » et à l’abri des regards des passants. Ils proposent d’acheter une prairie au-delà de l’hôpital et de la creuser pour y faire une belle pièce d’eau. En arrière-plan se dessine le problème du regard posé sur ces baigneurs, car ceux-ci se baignent le plus souvent dans le plus simple appareil. La nudité heurte les passants et les riverains et la puissance publique réglemente ses pratiques pour éviter les atteintes aux bonnes mœurs.
Déjà en 1793 la municipalité est instruite que des « citoyens se baignaient dans le port ». Elle défend « à qui que ce soit de retomber dans une indescence (sic) aussi révoltante à peine de 15 jours de prison ». En 1867 des bandes de jeunes enfants et de grandes personnes se déshabillent sous les yeux du public près de la route de Callac. Parmi ceux-ci certains n’ont « aucune retenue (…) ne craignant pas de se présenter tout nus à quelques mètres de la route ». Le maire prend un arrêté interdisant les baignades dans le Jarlot et le Queffleuth à moins de porter un caleçon ou tout autre vêtement. La nudité est sanctionnée. Mais arrêté de peu d’effet, car en 1844 le maire interdisait déjà de se baigner dans les rivières « avant la nuit close », pour soustraire les baigneurs du regard du public qui passe sur la nouvelle traverse de la Route Nationale n°12. Au passage il convient de noter que les rivières constituent, à cette époque, les lieux de décharge des eaux sales et nauséabondes produites par les activités domestiques et économiques de la ville. Les rivières sont un vrai « bouillon de culture », un dépotoir.
Au plus près des habitations, la nudité trouble donc l’ordre public et la nécessité d’installations spécifiques s’impose. Des établissements de bains publics apparaissent aux XVIIIe et XIXe siècles le long du Queffleuth. Ils proposent des baignoires et des bassins collectifs. Il faut toutefois attendre le milieu du XXe siècle pour qu’apparaisse la première piscine le long du Jarlot au lieu-dit Lannidy. Le bain d’hygiène se replie peu à peu dans la sphère privée.
Illustrations : 1) Interdiction de se baigner dans les rivières. 1793 ; 2) Sur les bords du Jarlot. Début du XXe siècle
© Archives municipales de Morlaix